Le Dandysme de la littérature

Chers amis de la littérature,
 
Honoré de Balzac dans Illusions Perdues nous a peint une société transformée et confrontée aux changements succincts de l'Histoire. Le lecteur est alors plongé dans un univers unique, propre au XIXe siècle, si bien sur le plan des mœurs sociétales que sur les manières d'exister. Balzac, comme grands nombres de ses confrères littérateurs, a illustré merveilleusement bien l'aspect du Dandysme dans la littérature.
 
S'il n'est guère le seul à s'en être approprié le style, pensons de cette manière au grandissime Oscar Wilde et son ouvrage Le Portrait de Dorian Gray (1890), à Guy de Maupassant et son personnage George Du Roy Du Cantel dans Bel-Ami (1885), et dont bien d'autres exemples pourraient fleurir cet article, chacun d'entre eux ont toute leur appartenance dans ce phénomène de société qui déchaîna la fin du XVIIIe siècle et ceux à venir.

Le Dandysme fait son apparition à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre en se voulant un courant de mode, portant la désignation d'un homme raffiné et élégant. Plusieurs origines se portent quant à l'étymologie du terme en question.

Une première version tendrait à l'apparition de cette notion en 1780 en rapprochant cette manière d'être à l'excentricité. Dans les années précédents la Révolution Américaine (1775-1783), le premier couplet de la chanson Yankee Doodle tourne en dérision la pauvreté et les manières vulgaires des colons américains, suggérant qu'un Américain moyen possédant un simple poney et un vêtement orné pouvait être qualifié de « dandy » par rapport à ses compatriotes, suggérant aussi qu'un beau cheval et des vêtements à galons d'or permettaient de distinguer le macaroni anglais, considéré comme élégant en français.

Une seconde histoire tant à considérer que le terme "Dandy" provient du dandy prat, une pièce de monnaie qui possédait peu de valeur au XVIe siècle sous Henri VIII d'Angleterre et qui s'appliquait par la suite aux jeunes hommes médiocres mais qui veulent briller par leur habillement.

Enfin, Daniel Salvator Schiffer, biographe de l'écrivain Oscar Wilde, estime que le terme est quant à lui d'origine dès les années 1780 où, dans une ballade écossaise anonyme est mentionné un jeune homme efféminé surnommé Andrew, alors diminutif Andy, « coq du village » raillé par la population notamment lorsqu'il se dandine derrière une jeune fille (« Andy is dandeling »). Dandy serait donc un mot-valise formé à partir du verbe « dandle » et d'« Andy », désignant dans la région frontalière entre l'Angleterre et l'Écosse (Border ballad) de jeunes gens qui fréquentaient l'église ou la foire annuelle dans une tenue excentrique. Ce mot à la mode fut adopté vers 1813-1819 à Londres pendant les guerres napoléoniennes à propos du fashionable, « élégant » suivant la mode tel que George Brummel alors pionner du Dandysme anglais, le Dandy se différenciant parfois en créant lui-même la mode et un certain mépris du savoir-vivre. Ce terme apparaît ensuite en France qui connaît une vague d'anglomanie sous la Restauration, comme en atteste l'apparition de mots liés à la mode : fashion, snob, smart, select. Dans le slang de l'époque, un « dandy » se différencie d'un «Fop» par une robe plus raffinée et sobre.

Dans la société du XIXe siècle, le Dandysme se transpose dans la littérature romantique française uù grands nombres d'auteurs tels que Stendhal, Charles Baudelaire, Honoré de Balzac et Eugène Sue etc. Chacun exprimera ce souhait de de reconnaissance dans la société. Néanmoins, il est notable d'affirmer que l'expression dans la société du Dandysme n'est pas la même pour tout ces auteurs, certains préférant axer la démonstration de ce phénomène par le raffinement vestimentaire comme Baudelaire.
 
De nos jours, le terme de Dandy s'attribue généralement au "Beau", ajoutant par ailleurs une légère touche de narcissisme pour ceux à qui il peut être attribué.
 
Aussi bien dans la société que dans la littérature, le Dandysme se vit avec passion. Le dandysme suppose un caractère personnel très altier, élégant, raffiné, voire arrogant, et il est une idée très répandue d'estimer que le dandysme perdure de nos jours par cette forme. Souvent comparé au snobisme, il s'agit là d'une erreur d'interprétation. En effet, si le snobisme aspire à sortir du commun des mortels en appartenant à une élite de classe, le Dandysme quant à lui ne considère pas de la même manière le positionnement du groupe de classe et l'être en question. Leur perception est donc inversée.

Jean-Louis Bory, journaliste et auteur d'une biographie sur l'écrivain Eugène Sue, à proposé la définition suivante du Dandysme : " « Le petit marquis talons rouges de Louis XIV, devenu le roué de la Régence, devenu le petit maître style Louis XV, devenu le mirliflore de l'époque Louis XVI, devenu le muscadin de Thermidor, devenu l'incroyable du Directoire, est devenu le fashionable de la Restauration, qui devient […] le « lion » de la monarchie de Juillet, qui va devenir le gandin du Second Empire, contemporain de la biche et du daim (affligeante zoologie, successeurs minuscules, caricatures abâtardies, imitations essoufflées du lion) qui deviendra, de dégénérescence en dégénérescence, le gommeux, le cocodès, le petit crevé de la Troisième République, le « swing » et le « zazou » de Vichy et de l'occupation Allemande… »

Plus loin, il en dépeint l’attitude, expliquant en quoi il se différencie du « lion » dans les années 1830 : « Brummell est dieu, d'Orsay est son prophète. On se sent, on se veut à ce point différent et au-dessus des autres que choses et gens n'existent plus. Le dandy ne les voit plus, il n'en est plus, il ne peut plus en être touché. Être surpris, admirer, c'est se reconnaître inférieur. D'où le flegme, cette armure glaciale. Et pour seules attitudes possibles l'ennui, ou les attitudes qui traduisent un mouvement (quand on daigne se mouvoir) du haut vers le bas, condescendantes : le mépris gourmé, la politesse, qui se doit d'être irréprochable, et les différentes formes d'ironie qui vont de la plaisanterie entre pairs, l'humour, jusqu'à (puisqu'elle s'unit au dédain de plaire) l'insolence la plus cinglante […] Seul point, peut-être, sur lequel on se sépare, mais subtilement du dieu Brummell : « la convenance exquise ». Brummell était à ce point certain que rien de commun ne pouvait exister entre lui et les autres, qu'il n'était même plus besoin qu'il s'en distingue : un homme bien mis ne doit pas être remarqué. Le pur dandy partage ce point de vue, le lion non. Il préfère une toilette recherchée, voire fracassante : cannes « étourdissantes » chères à Balzac, monocles carrés, redingotes balayeuses, gilets pharamineux. Et les inévitables gants jaune. »

Selon lui, la psychologie du dandy oscille entre frivolité arrogante et révolte contre l’ordre bourgeois : « C'est, on en convient, accorder beaucoup d'importance à sa petite personne. Ce cancer de la self-respectability conduit le dandy, prétend Balzac, à devenir « un meuble de boudoir, un mécanisme extrêmement ingénieux, mais un être pensant, jamais ». C'est se montrer trop sensible aux apparences, et confondre une impassibilité proche, en effet, de celle d'un objet avec le néant. […] Mais chez quelques-uns d'entre eux (ceux qui intéresseront Balzac : les Marsay, les Rastignac, les Trailles), il y a des griffes quelque part. Le dandysme est autre chose qu'une affectation imbécile. C'est une morale. Mieux : c'est une arme. […] Pareille haine pour la morale épicière. Pareille volupté secrète de se sentir membre d'une élite, dispensé de cette morale, hors la loi commune, au-dessus d'elle. Le dandysme est la manifestation extérieure (volontairement désinvolte puisque cette désinvolture participe de l'arsenal belliqueux) d'une opposition profonde aux contemporains ; la transposition d'un héroïsme révolutionnaire sur le plan, apparemment frivole, d'une activité éphémère — puisque la mode change sans cesse — et violemment moderne — puisque la mode se confond avec la plus fine pointe du présent. Double façon (par l'éphémère et le moderne) de fracasser élégamment le sérieux des autres qui s'appuie sur le durable, et, par conséquent, sur le passé. »
 
" Le dandy doit aspirer à être sublime, sans interruption. Il doit vivre et dormir devant un miroir. "
Charles Baudelaire, Mon cœur mis à nu
 
Cette citation du grand Charles Baudelaire conforte une fois de plus notre analyse. C'est un élément qui est à noter et qui se retrouve dans bien de nos romans du siècle de la Belle Epoque. Dans La Comédie Humaine de Balzac, le Dandysme s'illustre ainsi à bien des échelles par nombres de ses personnages. Henry de Marsay en est l'exemple incarné, tout comme le jeune Lucien de Rubempré. Reprenons également le fameux Lord Henry, Dandy dès plus atypique dans Le Portrait de Dorian Gray, assénant le roman de réflexions philosophiques sur l'esthétisme, le beau et l'art. Ce chefs-d'œuvre d'Oscar Wilde connaîtra comme Balzac à son niveau, de virulentes critiques pour son opposition aux valeurs sociétales.

Nous voilà, chers amis, enfin au point sur la notion du Dandysme dans les sociétés antérieurs et modernes et dans la littérature. Ce phénomène a pour ainsi dire influencé tant de merveilles littéraires.

Toute la question étant de savoir à présent, lequel d'entres-vous se définit comme tel ?
 
 

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