Les Racines du Ciel - Romain Gary

Chers amis de la littérature,
 
Nous avons jusqu'à présent, à travers Balzac, Hugo et Zola, O combien prit conscience que le XIXe siècle a été le synonyme dans la littérature de la démonstration physique d'un chamboulement sans précédant. Cette société s'est, par de multiples procédés, émancipée sur le plan politique, social et sociétal. Le XXe siècle, dans sa continuité, a vu surgir en son sein les deux plus grands conflits mondiaux que l'Humanité est connu, ainsi que la plus terrible détresse humaine. Les luttes engendrées sous le siècle de Hugo n'ont guère ternies et ont dans leurs mouvances, déterminées l'Histoire dans les lignes. Louis Aragon, André Malraux, dans leurs œuvres monumentales telles que La Condition Humaine, publié en 1933 aux Editions Gallimard, narrent cet esprit de désir changeant permanent et propre au XXe siècle. Mais l'histoire littéraire compte parmi ses enfants un illustre romancier dont la plume, aux côtés des si grands que nous avons cités ci-dessus, a gravée immortellement la beauté de l'engagement et de l'exotisme littéraire.
 
Romain Gary, de son nom de naissance Roman Kacew, est aujourd'hui considéré comme l'un des piliers de la littérature française et internationale. Auteur, diplomate, aviateur et résistant, il est de pair d'une génération d'écrivain à la vie trépidante, bercée par les horreurs d'un siècle prit dans une spirale folle où se déchaîne les conflits ethniques, raciaux et politiques. Si la fin de la Seconde Guerre Mondiale ouvre de nouvelle perspective à l'international, notamment dans la reconstruction civile et politique des Etats, si les guerres économiques font rages sous la tension de la Guerre Froide, le siècle des avancés fait aussi face à de nouvelles thématiques dans l'horizon contemporain. Le désir d'émancipation des peuples colonisés ainsi que l'environnement font ainsi apparition dans les changements soudains du monde.
 
 Les Racines du Ciel, publié en 1956 aux Editions Gallimard, constitue un ouvrage capital dans l'œuvre de Romain Gary et dans ce que l'on pourrait considérer dans le roman engagé du XXe siècle. De part son succès immense, le romancier reçoit par ailleurs la même année le Prix Goncourt, puis une seconde fois nous le rappelons et de part ce fait de manière inédite, en 1975 sous le pseudonyme d'Emile Ajar pour le roman La Vie devant soi.
 
L'idée centrale défendue par l'auteur dans le roman est la protection de la nature. Romain Gary, dans la confection de ce chef d'œuvre, peint l'image de cette Afrique Equatoriale Française (AEF) dont les lignes sont bouleversées par le désir d'indépendance politique des populations et la protection de l'environnement sous l'image des éléphants. Il est immensément important de le noter car il s'agit d'une œuvre visionnaire quant à la lutte de la condition climatique. A cette image, le personnage principal du roman prénommé Morel, est représenté comme marginal dans sa démarche, acteur militant d'un petit groupe d'homme et de femme dont les revendications et motivations se croisent pour convenir à chacun. Les personnages dans leur combat provoquent un attachement si particulier auprès du lecteur. Morel et Minna,, Schölscher, Qvist etc, le roman a plusieurs voix : le narrateur, bien sûr, mais aussi les témoignages des uns et des autres, le tout dans une mise en forme où ces voix s'entrecroisent pour faire un récit à fort relief.
 
Dans sa préface, Romain Gary déclarera, "et cette tâche est si immense, dans toutes ses implications".
Mais, par ce biais, il expose la protection d'une « certaine idée de l'homme » que Morel, Minna, Schölscher et d'autres illustrent tout au long du roman.
Les Racines du ciel évoque aussi les parcours qui ont conduit chacun à se retrouver là, dans la condition où chacun se trouve. Faisant face à un Etat français déterminé à conserver sa richesse territoriale, aux populations qui aspirent à une modernité de fait et confrontées à la nécessité de tuer sa faune pour subvenir, le lecteur sera vraiment submerger par la détresse sociale et sociétale qu'offre à son tour le XXe siècle dans ces contrées lointaines.
 
Afin d'expliquer ce titre aux allures si poétiques, la réponse se trouve chez un des personnages central du roman, fier compagnon de route de Morel, le naturaliste Peer Qvist qui exprime la chose suivante :
"L'islam appelle cela "les racines du ciel", pour les indiens du Mexique, c'est "l'arbre de vie", qui les pousse les uns et les autres à tomber à genoux et à lever les yeux en en se frappant la poitrine dans leur tourment". ainsi que "Les racines étaient innombrables et infinies dans leur variété et leur beauté et quelques-unes étaient profondément enfoncées dans l'âme humaine - une aspiration incessante et tourmentée orientée en haut et en avant - un besoin d'infini, une soif, un pressentiment d'ailleurs, une attente illimitée."
 
Les Racines du Ciel est un roman majeur, incontournable qui soulèvera plus d'un cœur dans sa beauté. Dans sa formation littéraire, la présence des douceurs africaines et l'amour que porte l'œuvre à la personne des éléphants représentants dans le fond une humanité en pleine tourmente est absolument bouleversant.
 
Les passions du XXe siècle, ses changements, son aspect visionnaire. Romain Gary vivait le siècle comme peu d'auteurs l'ont vécus.

Qui ne rêverez pas de toucher Les Racines du Ciel ?
 
 

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