Prière à Dieu - Voltaire

Chers amis de la littérature,

Il y a deux ans en ce jour que notre si belle ville de Paris, réputée pour sa merveilleuse ébullition de culture, pour sa joie de vivre intemporelle, fut frappée par les plus lâches attentats de son histoire. 

Le 13 novembre 2015 fut pour chaque français un terrible traumatisme. 

Pensons avec émotions à ces nombreuses victimes, à ces femmes et ces hommes, enfants, chrétiens, juifs et musulmans, meurtris par l'idéologie barbare et fanatique d'individus. 

Pensons à la culture, à l'esprit de la liberté, à l'esprit de fête qui caractérise avec tant d'emprunte l'image de la France et de ses citoyens. 

Cet billet quelque peu particulier de part la commémoration dont il est question vous propose avec modestie un texte d'une simplicité et d'une profondeur sans vergogne, en ces jours où la religion semble si faible face à la folie des êtres. 

Puisse Voltaire, dans son Traité sur la Tolérance, par sa Prière à Dieu, apaiser les cœurs dans cette journée si douloureuse du souvenir. Si cette oeuvre, publiée en 1763 à l'occasion de l'Affaire Calas, défendant ainsi la liberté de croyance et dénonçant avec virulence l'obscurantisme des hommes, elle n'en demeure hélas pas moins d'actualité tant la détresse humaine est importante. 

" Ce n'est donc plus aux hommes que je m'adresse ; c'est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes et de tous les temps : s'il est permis à de faibles créatures perdues dans l'immensité, et imperceptibles au reste de l'univers, d'oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d'une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d'une toile blanche pour dire qu'il faut t'aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu'il soit égal de t'adorer dans un jargon formé d'une ancienne langue, ou dans un jargon plus nouveau ; que ceux dont l'habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite parcelle d'un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments arrondis d'un certain métal, jouissent sans orgueil de ce qu'ils appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu'il n'y a dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s'enorgueillir.


Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères ! Qu'ils aient en horreur la tyrannie exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit du travail et de l'industrie paisible ! Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas les uns les autres dans le sein de la paix, et employons l'instant de notre existence à bénir également en mille langages divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet instant. " 

Hommage et souvenir immortel à ces disparus, assassinés parce qu'ils étaient Homme, pour avoir vécus libres et fiers d'une culture prospère et joyeuse. 

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